MASCARONS : petites noircissures (déf. du diccionari Cristian Laus)
Exposition de dessins par le plasticien occitan, Joan Carles Codèrc
"Le bout de papier noirçit constitue un moment inconditionnel dans le processus de création tel
que je l’envisage. Qu’il s’agisse d’un mur, d’une affiche ou d’une toile, la formalisation d’une idée
par des signes, des mots et des traits ne me quitte pas, d’autant moins que j’ai déposé le regard
sur la langue d’òc, qu’elle constitue le coeur de mes échanges artistiques et que son apprentissage,
sa découverte balisent écritures ou images.
La présence du mot est une question centrale dans la création artistique dite occitane. Elle
est transverse aux plasticiens ayant pensé à travers leurs oeuvres cet espace culturel et linguistique,
ayant envisagé la décentralisation. Comme une nécessité de crier par l’image une existence
ténue, fragile, qui dit et vit toujours dans les plissures de récits nationaux étriqués. Ben Vautier,
Pierre François, René Duran ou Jacques Privat, tous ont investi la lettre, le mot, l’employant à
devenir motif dans des propositions picturales d’avant-garde, toutes entières conscientes des
enjeux plastiques, politiques ou philosophiques de leurs temps. Avant-même, peut-être, qu’elles
ne fassent le lit de nos difficultés contemporaines. de cette bascule annoncée depuis plusieurs
décennies déjà, sans que jamais, nous ne sachions véritablement de quoi elle retourne et dans
laquelle nous posons aujourd’hui fébrilement, quelques premiers pas interloqués.
Nous pénétrons un moment neuf et ténébreux tout autant qu’engageant. Et c’est pourtant de
cet outil que je souhaite ici vous entretenir, les mascarons. De ces petites noirceurs inscrites sur
le papier, j’entrevois un pouvoir. Le pouvoir de l’image certes, mais d’avantage encore celui de
faire. La nécessité de montrer la teneur d’une étape de travail comme élément indispensable aux
finalités que l’on s’assigne. L’importance du pas, dans le chemin sur lequel il nous conduit. Quand
bien même nous ne saurions pas où il nous mène.
La langue ne doit pas être le motif principal de la création picturale occitane, elle y prendrait le
chemin du silence, sans conscience d’autres voies à défricher, de batailles plastiques nouvelles
à engager. Mais elle est à coups sûr, une étape essentielle de son (ré)avènement, car elle nous
permettra de saisir à nouveau l’alentour, le réel, pour diverger."